samedi 30 novembre 2013

: : ah ! he should cut his nose / his lip / his ears / his belly ! : :





_ par arthur rimbaud / trafiquant d'armes mort / 1854 - 1891 _ 

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 [_DoN D'oRGANE : I I_]












tant que la lame n'aura
pas coupé cette cervelle
ce paquet blanc vert et gras
à vapeur jamais nouvelle

(ah ! [_LUI_] , devrait couper [_SoN
NEZ_]
/ sa lèvre / ses oreilles /
son ventre ! et faire abandon
de ses jambes ! ô merveille !)

mais non | vrai, je crois que tant
que pour sa tête la lame
que [_LES CAILLoUX_] pour son flanc
que pour ses boyaux la flamme

n'auront pas agi, l'enfant
gêneur, la si sotte bête
ne doit [_CESSER_] un instant
de ruser et d'être traître

comme un chat des monts-rocheux
d'empuantir toutes sphères !
qu'à sa mort pourtant, ô [_MoN VIEUX_] !
s'élève quelque prière !












lundi 4 novembre 2013

: : i sit there with open eyes / amazed at my own find / and laugh for joy : :





_ par knut hamsun / affamé mort / 1859 - 1952 _

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  [_DoN D’oRGANE : I_]










je m'assis sur le lit et j'entendis tourner la clef | la cellule claire avait un air avenant | je me sentais bien à l’abri et j’écoutais avec un sentiment de bien-être la pluie tomber dehors | je ne pouvais rien souhaiter de mieux qu’une pareille cellule, si intime ! | mon contentement allait croissant | assis sur le lit, mon chapeau à la [_MAIN_] , les [_YEUX_] fixés sur la flamme du [_GAZ_] là-bas au mur, je me mis à repasser lescirconstances de mes premiers rapports avec la police | car c’étaient les premiers, et comme je l’avais roulée ! | tangen, journaliste, plaît-il| et puis, morgenbladet | comme j’avais frappé l’homme droit au cœur avec morgenbladet| ne parlons pas de [_çA_] , hein ? | resté au gala de la présidence du conseil jusqu’à deux heures, oublié à la maison ma clef et un portefeuille avec quelques billets de mille ! | conduisez ce monsieur à la [_SECTIoN RéSERVéE_] ...

soudain, le [_GAZ_] s’éteint | avec une soudaineté surprenante / sans baisser / sans décroître | je suis dans une obscurité profonde, je ne peux pas voir ma [_MAIN_] , ni les murs blancs autour de moi, rien | il n’y avait pas autre chose à faire que de se mettre au lit | et je me déshabillai

mais je n’avais pas sommeil et je ne pouvais pas dormir | je restai étendu un moment, regardant l’obscurité, cette épaisse et massive ténèbre qui n’avait pas de [_FoND_] et que je ne pouvais concevoir | ma pensée était incapable de la saisir | il faisait sombre au-delà de toute mesure et je sentais la présence de l’obscurité m’oppresser | je fermai les [_YEUX_] , me mis à chantonner à mi-voix et me jetai de côté et d’autre sur le grabat pour distraire ma pensée, mais sans succès | l’obscurité avait pris possession de ma pensée et ne me laissait pas un moment de répit | si je m’étais moi-même [_DISSoUS_] en ténèbres : si je ne faisais plus qu’un avec elles ?

ma nervosité avait complètement pris le dessus, et j’avais beau tout essayer pour la combattre, rien n’y faisait | j’étais là, en proie aux plus étranges fantaisies, m’imposant [_silence_] à moi-même, fredonnant des chansons de nourrice, suant des efforts que je faisais pour me calmer | j’avais les [_YEUX_] fixés sur les ténèbres et de ma vie je n’avais vu pareilles ténèbres | il n’y avait pas de doute, je me trouvai ici en présence d’une sorte particulière de ténèbres, un élément insensé que personne encore n’avait observé | les pensées les plus ridicules  m’occupaient et chaque chose me faisait peur | le petit [_TRoU_] dans le mur près de mon lit m’occupait beaucoup : un [_TRoU_] de clou / j’imagine / une marque dans la muraille | je le tâte, je souffle dedans et j’essaie d’en mesurer la profondeur | ce n’était pas un [_TRoU_] innocent, pas le moins du
monde, c’était un [_TRoU_] vraiment suspect, un [_TRoU_] mystérieux dont je devais me méfier | possédé par l’idée de ce [_TRoU_] , complètement hors de moi, de curiosité et de terreur, je dus finalement sortir du lit et chercher ma moitié de canif pour mesurer la profondeur du [_TRoU_] et me convaincre qu’il ne pénétrait pas jusqu’à la cellule voisine

je me recouchai pour essayer de m’endormir mais en réalité pour recommencer à me battre avec les ténèbres | dehors la pluie avait [_CESSé_] , et je n’entendais aucun bruit | un temps durant je continuai à épier les pas dans la rue et je n’eus pas de [_CESSE_] avant d’avoir entendu passer un piéton, un agent à en juger par le son | subitement, je me mets à claquer des doigts plusieurs fois de suite et à rire | c’était diablement drôle ! | ha ! | je m’imaginais avoir trouvé un mot nouveau | je me dresse sur [_MoN_SéANT ] et je dis : [_çA_] n’existe pas dans la langue, c’est moi qui ai inventé [_çA_] : > kuboa > | [_çA_] a des lettres, comme un mot | bonté divine, mon garçon, tu as inventé un mot > kuboa > d’une grande importance grammaticale ! 






je voyais distinctement le mot devant moi dans les ténèbres






j’en reste là, les [_yeux_] ouverts, étonné de ma trouvaille et je ris de joie | puis je me mis à parler bas, car on pouvait m’écouter et mon intention était de garder mon invention secrète | j’en étais arrivé à la complète folie de la faim, j’étais vide et sans souffrance, et je ne tenais plus les rênes de ma pensée | je réfléchissais [_silencieusement_] en moi-même | avec les sautes les plus extraordinaires de raisonnement je cherche à approfondir la signification de mon nouveau mot | rien ne l’obligeait à signifier > dieu >  ou > tivoli > et qui avait dit qu’il signifiait > exposition de bétail > ? | je fermai violemment le poing et répétai : qui a dit que cela signifie > exposition de bétail > ? | en réfléchissant bien il n’était pas même nécessaire qu’il signifiât > cadenas > ou > lever de soleil > | à un mot comme celui-là il n’était pas difficile de trouver un sens | j’attendrais, je verrais venir | entre-temps je pouvais dormir dessus

étendu sur mon grabat je ricane sans rien dire ni me prononcer pour ou contre | quelques minutes se passent et je deviens nerveux, le nouveau mot me tourmente sans répit, revient sans [_CESSE_] à ma pensée, finit par l’obséder et me rendre sérieux | je m’étais fait une opinion sur les sens qu’il ne devait pas avoir, mais je n’avais pris aucune décision sur le sens qu’il devait avoir | c’est une question secondaire déclarai-je tout haut ! | le mot était trouvé, dieu merci ! | et c’était le principal | mais la pensée me tourmente sans fin et m’empêche de m’endormir, rien ne me paraissait assez bon pour ce mot rare | enfin, je me remets sur [_MoN SéANT_] , je me prends la tête à deux [_MAINS_] et je dis : non, c’est précisément là ce qui est impossible, lui faire signifier > émigration > ou > manufacture de tabac > ! | s’il avait pu signifier quelque chose dans ce goût-là il y a longtemps que je me serais décidé pour ce sens, en prenant mes responsabilités | non, à la vérité le mot était propre à signifier quelque chose de > psychique > , un sentiment, un état d’âme ne pouvais-je le comprendre ? et je me [_creuse_] la mémoire pour trouver quelque chose de > psychique > | alors il me semble que quelqu’un parle, se mêle à la conversation, et je réponds furieusement : plaît-il ? | non, comme idiot tu n’as pas ton pareil ! | > laine à tricoter > ? | va-t’en au diable ! | pourquoi serais-je obligé de lui donner le sens de > laine à tricoter > quand il me répugnait tout particulièrement qu’il signifiât > laine à tricoter > ? | c’était moi qui avais inventé le mot et quant à cela c’était mon droit absolu de lui donner n’importe quel sens | je ne m’étais pas encore prononcé que je sache…

mais de plus en plus [_MoN CERVEau_] s’embrouillait | finalement je sautai à bas du lit pour chercher le robinet | je n’avais pas soif mais j’avais la tête en fièvre et j’éprouvais un impérieux besoin d’eau, un besoin instinctif | après avoir bu je me remis au lit et pris la résolution de dormir, à toute force | je fermai les [_YEUX_] et me contraignis à rester tranquille | je demeurai étendu plusieurs minutes sans faire un mouvement, la sueur me prit et je sentais le sang battre violemment dans mes [_ARTèRES_] | c’était tout de même impayable, c’était par trop drôle qu’il ait cherché l’argent dans ce cornet ! | au fait, il n’a toussé qu’un fois | je me demande s’il circule encore là-bas | s’il est assis sur mon banc ? ... la nacre bleue les navires