_ par ruthford longues _
|
[_éLECTRo-ENCéPHALoGRAMME : I I I_]

certains jours, il suffit
d’un banc de vieux bois et de fer forgé dans un antique village du sud de
l’italie, devant un vieux portail de bois, [_MANGé_] par le soleil, pourri par les
nuits
il suffirait d’un vieux
portail de bois, rentré à fort dans la rocaille de la montagne, qu’ils ont
creusée pour en faire une bâtisse
et cette bâtisse aujourd’hui
est une ruine [_MANGéE_] de soleil, qui n’accueille plus d’âme humaine, qui ne
contient plus de tête ou de jambe humaine, mais plus que quelques pigeons, des
pigeons et des tourterelles, et toutes ces belles bestioles volantes
et les pigeons contiennent,
eux, d’entières familles de puces intelligentes et cruelles, au dos hérissé de
choses noires à crochet
et les puces, à
l’intelligence cruelle, à l’utérus fertile, contiennent à leur tour tout un tas
de milliers d’acariens sombres
et les acariens sombres, au
ventre si dur et à l’appareil buccal suceur si souple, contiennent chacun
plusieurs millions d’incompréhensibles bactéries
lesquelles bactéries sourdes
contiennent enfin, dans leurs membranes perméables et molles, par masses
d’indénombrables milliards de molécules, des dépôts calcaires !
or moi je les vois, ces
dépôts calcaires, je les ai à l’intérieur des [_YEUX_] ou dans les [_YEUX_] du cerveau,
je vois ces dépôts calcaires en saupoudrements ou en amas grisâtres, dans
l’intérieur courbe et translucide de la bactérie | et voici bientôt que je
le vois beaucoup mieux et plus précisément que les pigeons, la porte, et la
bâtisse dans la rocaille !
et j’aimerais pouvoir
m’arrêter là, je crois toujours que je vais pouvoir m’arrêter là : sauf
qu’au moment même où j’aperçois qu’il est impossible de descendre plus loin,
mes jambes se mettent à pédaler à l’envers et, dans la joie bien acide de ma
vésicule logico-mathématique, à remonter l’entonnoir de vertige de mes divagations
optiques…
car au moment même où
j’aperçois les limites de mon horizon microscopique, voilà que [_çA_] me rembobine le cerveau avec un
treuil, lentement, inexorablement : les immenses blocs de molécules
calcaires, qui bouchaient la vue, rétrécissent doucement, et s’éloignent, pour
n’apparaître plus que comme d’imperceptibles traînées aux flancs d’informes
bactéries
ces bactéries sont agitées de
longs frémissements membranaires, de mouvements péristaltiques de membranes,
écœurants, et qui obscurément me terrifient, mais que bientôt je ne perçois
plus : car elles rétrécissent doucement, et s’éloignent, pour n’apparaître
plus que comme un grouillement mou de teurgoule au pli d’un boyau d’acarien
ce pli de boyau ondule,
s’étire et se contracte pour répondre aux flux d’excréments étrangement digérés
qui justifient son existence | et mon regard ondule lui aussi pour
remonter d’imaginaires systèmes intestinaux, passer par plusieurs poches
stomacales, deux bulbes pulmonaires, et ressortir par l’œsophage et le rostre
enroulé : au-dessus des quatre mandibules qui le recouvrent, qui bâillent / et se resserrent / et bâillent / et se resserrent, à un très / très lent / très lent rythme
d’essoufflement, se dresse le plus inquiétant visage qu’il m’ait été donné de
voir : un visage sans traits, sans [_YEUX_] , sans un seul poil et qui me scrute avec
une placidité, une ardeur insondables | bientôt à côté de lui s’avance un
autre visage, de même aspect, mais très différent et qu’on ne pourrait pas
confondre | un troisième visage écarte les premiers pour s’approcher de
moi plus encore | puis un quatrième | et un cinquième, et me voilà en peu
d’instants environné par une [_SILENCIEUSE_] multitude de ces face placides qui me
scrutent avec une ardeur insondable : mais elles rétrécissent doucement,
et s’éloignent, pour n’apparaître plus que comme le plus énigmatique et le plus
nombreux peuple de visages aveugles qui ait jamais hanté comme un temple le dos
strié d’une puce
[_ET ALoRS / LE DoS STRIé D'UNE PUCE / à QUoI çA RESSEMBLE VU D'ICI_] ?
cela ressemble à une forêt
gothique de roman noir | et en même temps, à un immense complexe industriel de
hauts-fourneaux au crépuscule | et aussi, à un affreux glacier en négatif photographique :
et lorsque mon regard a terminé de parcourir à reculons ce noir hérissement de
crochets, il se retrouve devant l’aspect béant d’un vagin grand comme une
caverne, avec, au fond, l’utérus fertile et monstrueux de la bête, grouillant
de lentes molles, translucides et gluantes, qui rétrécissent doucement, et
s’éloignent, pour n’apparaître plus que comme un souvenir abject et nauséeux,
infestant comme un sale psoriasis les couches sous-cutanées de ma conscience,
tandis que je regarde les tourterelles, aux [_YEUX_] de verre, se reposer à la tiédeur
ombreuse de la bâtisse, mal fermée par un vieux portail de bois, devant le banc
de vieux bois et de fer forgé où je me suis assis [_à CE MoMENT UNE PauSE_] ... [_UNE SUSPENSIoN_] ... [_CAR IL ME SEMBLE QUE MES GLoBES oCULAIRES oNT RéINTéGRé LEUR SoCLE D'oS ET DE MUQUEUSE_] ...
et j’aimerais pouvoir en
rester là, j’en suis encore à croire que je vais pouvoir en rester là :
car voilà déjà, en peu d’instants, toute l’italie et son soleil mangés par le
dépôt calcaire au flanc d’une bactérie traînant dans l’acarien habitant une
puce infestant le pigeon qui se rengorge dans une bâtisse construite autour
d’une porte que je regarde depuis une heure, et qui est contenue, en dernière
analyse, par mes [_YEUX_] qui sont dans ma tête !
et c’est comme d’avoir les [_FéMURS_] vissés au siège du funiculaire de montmartre, car je remonte et
redescends / remonte et redescends / remonte et redescends / l'entonnoir de vertige ... | et ainsi sans fin,
sans fin, de ma tête au dépôt calcaire et du dépôt à toute l’italie, sans fin,
sans fin, d’avant en arrière, d’arrière en avant, en balancements compulsifs
d’autiste ! ...

alors certes, la puce
pourrait très bien inoculer la peste au pigeon qui l’accueille | mais moi, quand
il ne me suffisait que d’un banc et d’un portail au
fond de l’italie, quand je n’avais besoin que de permettre au soleil de [_MANGER_] délicatement mes tibias et de me [_MANGER_] les paupières, quand je n’avais qu’à me
laisser aller à être bien assis tout entier entre mes épaules et mes fesses,
avec mes [_YEUX_] bien plantés dans ma tête comme des navets
et que tout à coup au
contraire ils en viennent à se dégobiller de moi, me laissant un visage vide, à
l’aspect béant de caverne | et que soudain l’infernale pieuvre à crâne d’usine
saisit tout de ses abominables tentacules, et bouffe tout, les acariens, les
portails et les italies :
moi, si j’étais un peu plus
hypochondriaque, ne pourrais-je pas dire que je l’ai, moi, la peste ?
[_MAIS SI JE DoIS VoUS AVoUER QUELQUE CHoSE / C'EST QUE JE N'AI JAMAIS RI QU'EN RIANT : C'EST UNE MALADIE DE LA MéMoIRE_]
[_MAIS SI JE DoIS VoUS AVoUER QUELQUE CHoSE / C'EST QUE JE N'AI JAMAIS RI QU'EN RIANT : C'EST UNE MALADIE DE LA MéMoIRE_]




Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire