dimanche 1 décembre 2013

: : the brain pack / the nerves / the eye in the cog-wheels : :




 _ par ruthford longues _

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 [_éLECTRo-ENCéPHALoGRAMME : I I I_]

 







certains jours, il suffit d’un banc de vieux bois et de fer forgé dans un antique village du sud de l’italie, devant un vieux portail de bois, [_MANGé_] par le soleil, pourri par les nuits


il suffirait d’un vieux portail de bois, rentré à fort dans la rocaille de la montagne, qu’ils ont creusée pour en faire une bâtisse


et cette bâtisse aujourd’hui est une ruine [_MANGéE_] de soleil, qui n’accueille plus d’âme humaine, qui ne contient plus de tête ou de jambe humaine, mais plus que quelques pigeons, des pigeons et des tourterelles, et toutes ces belles bestioles volantes


et les pigeons contiennent, eux, d’entières familles de puces intelligentes et cruelles, au dos hérissé de choses noires à crochet


et les puces, à l’intelligence cruelle, à l’utérus fertile, contiennent à leur tour tout un tas de milliers d’acariens sombres


et les acariens sombres, au ventre si dur et à l’appareil buccal suceur si souple, contiennent chacun plusieurs millions d’incompréhensibles bactéries



lesquelles bactéries sourdes contiennent enfin, dans leurs membranes perméables et molles, par masses d’indénombrables milliards de molécules, des dépôts calcaires !


or moi je les vois, ces dépôts calcaires, je les ai à l’intérieur des [_YEUX_] ou dans les [_YEUX_] du cerveau, je vois ces dépôts calcaires en saupoudrements ou en amas grisâtres, dans l’intérieur courbe et translucide de la bactérie | et voici bientôt que je le vois beaucoup mieux et plus précisément que les pigeons, la porte, et la bâtisse dans la rocaille !


et j’aimerais pouvoir m’arrêter là, je crois toujours que je vais pouvoir m’arrêter là : sauf qu’au moment même où j’aperçois qu’il est impossible de descendre plus loin, mes jambes se mettent à pédaler à l’envers et, dans la joie bien acide de ma vésicule logico-mathématique, à remonter l’entonnoir de vertige de mes divagations optiques…

car au moment même où j’aperçois les limites de mon horizon microscopique, voilà que [_çA_] me rembobine le cerveau avec un treuil, lentement, inexorablement : les immenses blocs de molécules calcaires, qui bouchaient la vue, rétrécissent doucement, et s’éloignent, pour n’apparaître plus que comme d’imperceptibles traînées aux flancs d’informes bactéries


ces bactéries sont agitées de longs frémissements membranaires, de mouvements péristaltiques de membranes, écœurants, et qui obscurément me terrifient, mais que bientôt je ne perçois plus : car elles rétrécissent doucement, et s’éloignent, pour n’apparaître plus que comme un grouillement mou de teurgoule au pli d’un boyau d’acarien


ce pli de boyau ondule, s’étire et se contracte pour répondre aux flux d’excréments étrangement digérés qui justifient son existence | et mon regard ondule lui aussi pour remonter d’imaginaires systèmes intestinaux, passer par plusieurs poches stomacales, deux bulbes pulmonaires, et ressortir par l’œsophage et le rostre enroulé : au-dessus des quatre mandibules qui le recouvrent, qui bâillent / et se resserrent / et bâillent / et se resserrent, à un très / très lent / très lent rythme d’essoufflement, se dresse le plus inquiétant visage qu’il m’ait été donné de voir : un visage sans traits, sans [_YEUX_] , sans un seul poil et qui me scrute avec une placidité, une ardeur insondables | bientôt à côté de lui s’avance un autre visage, de même aspect, mais très différent et qu’on ne pourrait pas confondre | un troisième visage écarte les premiers pour s’approcher de moi plus encore | puis un quatrième | et un cinquième, et me voilà en peu d’instants environné par une [_SILENCIEUSE_] multitude de ces face placides qui me scrutent avec une ardeur insondable : mais elles rétrécissent doucement, et s’éloignent, pour n’apparaître plus que comme le plus énigmatique et le plus nombreux peuple de visages aveugles qui ait jamais hanté comme un temple le dos strié d’une puce 




[_ET ALoRS / LE DoS STRIé D'UNE PUCE / à QUoI çA RESSEMBLE VU D'ICI_] ?


cela ressemble à une forêt gothique de roman noir | et en même temps, à un immense complexe industriel de hauts-fourneaux au crépuscule | et aussi, à un affreux glacier en négatif photographique : et lorsque mon regard a terminé de parcourir à reculons ce noir hérissement de crochets, il se retrouve devant l’aspect béant d’un vagin grand comme une caverne, avec, au fond, l’utérus fertile et monstrueux de la bête, grouillant de lentes molles, translucides et gluantes, qui rétrécissent doucement, et s’éloignent, pour n’apparaître plus que comme un souvenir abject et nauséeux, infestant comme un sale psoriasis les couches sous-cutanées de ma conscience, tandis que je regarde les tourterelles, aux [_YEUX_] de verre, se reposer à la tiédeur ombreuse de la bâtisse, mal fermée par un vieux portail de bois, devant le banc de vieux bois et de fer forgé où je me suis assis 


[_à CE MoMENT UNE PauSE_] ... [_UNE SUSPENSIoN_] ... [_CAR IL ME SEMBLE QUE MES GLoBES oCULAIRES oNT RéINTéGRé LEUR SoCLE D'oS ET DE MUQUEUSE_] ...

et j’aimerais pouvoir en rester là, j’en suis encore à croire que je vais pouvoir en rester là : car voilà déjà, en peu d’instants, toute l’italie et son soleil mangés par le dépôt calcaire au flanc d’une bactérie traînant dans l’acarien habitant une puce infestant le pigeon qui se rengorge dans une bâtisse construite autour d’une porte que je regarde depuis une heure, et qui est contenue, en dernière analyse, par mes [_YEUX_] qui sont dans ma tête !


et c’est comme d’avoir les [_FéMURS_] vissés au siège du funiculaire de montmartre, car je remonte et redescends / remonte et redescends / remonte et redescends / l'entonnoir de vertige ... | et ainsi sans fin, sans fin, de ma tête au dépôt calcaire et du dépôt à toute l’italie, sans fin, sans fin, d’avant en arrière, d’arrière en avant, en balancements compulsifs d’autiste ! ...


alors certes, la puce pourrait très bien inoculer la peste au pigeon qui l’accueille | mais moi, quand il ne me suffisait que d’un banc et d’un portail au fond de l’italie, quand je n’avais besoin que de permettre au soleil de [_MANGER_] délicatement mes tibias et de me [_MANGER_] les paupières, quand je n’avais qu’à me laisser aller à être bien assis tout entier entre mes épaules et mes fesses, avec mes [_YEUX_] bien plantés dans ma tête comme des navets


et que tout à coup au contraire ils en viennent à se dégobiller de moi, me laissant un visage vide, à l’aspect béant de caverne | et que soudain l’infernale pieuvre à crâne d’usine saisit tout de ses abominables tentacules, et bouffe tout, les acariens, les portails et les italies :

moi, si j’étais un peu plus hypochondriaque, ne pourrais-je pas dire que je l’ai, moi, la peste ? 


[_MAIS SI JE DoIS VoUS AVoUER QUELQUE CHoSE / C'EST QUE JE N'AI JAMAIS RI QU'EN RIANT : C'EST UNE MALADIE DE LA MéMoIRE_]







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