_ par ruthford longues _
|
[_éLECTRo-ENCéPHALoGRAMME : I I_]
je paie quelque fois une
visite aux habitants de mon manoir d’obsession et nous passons un petit quart
d’heure ensemble | je n’en vois jamais qu’un à la fois, car ils sont tous
passablement [_HYSTéRIQUES_] | moi, je me décide à y aller seulement quand …
quand c’est évidemment le temps propice | mais eux ont enfoncé des [_CRoCS_] dans [_MoN FoIE_] , dans les tumeurs de mon larynx et dans quelques unes de mes
glandes endocrines, et il arrive que l’un d’eux tire soudain sur les chaînes
fixées à ces [_CRoCS_] , tire, avec une puissance de paquebot, et me fasse entrer de
force dans mon manoir…
si cette [_EFFRoYABLE_] traction
ne m’est pas imposée (elle ne l’est jamais que par les pires d’entre eux, ceux
que je ne viens voir de moi-même que dans des circonstances si rares… si
singulières…) la rencontre, toujours joyeuse, toujours vive, toujours étonnante
et bizarre, se fait sur un mode qui n’est semblable à nul autre :
ce n’est pas une discussion,
pas même de celles qui tiennent plus du squash que du tennis | ce n’est
pas de l’effeuillage | ce n’est pas non plus une séance chez le psy |
ni une engueulade | ni du théâtre | ni du voyeurisme au trou de
serrure | ce n’est jamais une visite au musée | ni une exhibition monster trucks | ni une vitrine
d’antiquaire | ni une masturbation devant un porno | ni du freaks | encore moins une
ballade | pas plus qu’un viol | ni de la pêche en haute mer | ce
n’est vraiment pas du tango | ni un match de boxe | et ce n’est même
pas une rave party !
(et pourtant, cela tient un
peu de toutes ces choses, un tout petit peu, par je ne sais quelle pointe
d’aiguille, par le sommet d’aiguille de je ne sais quel polyèdre tournoyant)
c’est d’abord, par la
perpétuelle agitation chimio-électrique du [_PAQUET_] cérébral, une promenade, dans
des paysages internes ou externes, m’amenant jusqu’aux autres-jardins
c’est, dans les
autres-jardins, l’obéissance à mes jambes, qui décideront de trouver / jamais le
même et toujours identique / le chemin sismographique et arabesque vers l’entrée
du manoir
et c’est le rendez-vous avec
l’obsession, souriante et parfumée, qui se laisse d’abord regarder, comme on
scrute une pièce que l’on n’avait pas vue depuis longtemps | elle fait ses
petites mines habituelles pour nous séduire, les mêmes que nous fait la
prostituée qui a encore ses vêtements mais déjà son oseille | moi, je
regarde les murs de la pièce et les étagères / les armoires / les tables de nuit /
les crochets / les porte-manteaux où sont rangées, empilées, amassées en vrac
toutes ces choses que je lui ai fait rendre la fois d’avant
elle, se met à tourner sur
elle-même, pour déployer ses grâces pas évidentes, partiellement démoniaques,
souvent bizarres comme une clavicule qui fait un angle sous la peau, mais
émerveillante aussi telle qu’un joujou, et quand même éloignée, le plus
souvent, du > psychosis-pit >, l’abysse
ou [_LE P'TIT TRoU_] de la psychose…
elle, se met à tourner sur elle-même,
et se mélangent la proie et l’ombre comme une ébullition, elle tournoie devant
moi et mon regard tire d’elle des formes précises et floues comme celle du pied
dans l’eau du bain, et je mets ces formes à mesure sur les étagères, dans les
armoires, etc., après les avoir longtemps tenues en main / palpées / senties /
léchées / et portées à ma bouche
elle, continue à tourner sur
elle-même, tant que les [_MUQUEUSES_] de mes paupières la scrutent, et si la
plupart du temps je ne fais que recueillir les formes qu’elle génère en crépitement
d’éclosions, il arrive pourtant que je la saisisse et la presse comme un boucher,
que je la saisisse / et l’étreigne / et la broie / et la déchire / et pétrisse des
morceaux d’elle que je lui arrache joyeusement et que j’attache à des
crochets : et cela est très tendre / très joueur / très amoureux, je la
pétris comme de la glaise d’amoureuse et sa substance me reste entre les mains /
elle laisse une odeur sur mes mains
et elle, continuera toujours
à tourner sur elle-même, comme un fouloir, même quand je serai parti |
elle continuera à tourner et c’est un loto qui quelquefois, en rêve ou
autrement, fera jaillir sa boule sans que j’aie à intervenir, et cette boule
très spéciale roulera telle qu’un poisson dans ma bouche jusqu’à ce que je
trouve les mots pour la cracher, comme un glaire ou comme un cri de joie, bien
des jours plus tard


Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire