mardi 3 décembre 2013

: : billion swarms of greedy bugs / who all had different thoughts / in their insatiable hunger ! : :





_ par hugh lordmill _

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 [_HISToIRE éTRANGE : I V_]









... et je poursuivais toujours mon rêve !

je le voyais qui fuyait / là-bas | et je voulus courir après lui mais mes pieds s’enlisaient dans le sable aride | et je le voyais fuir parmi l’air humide et lourd

je ne voulais pas qu’il s’échappe ! | alors, demeurant allongé, je regardai mes orteils, et en fis des chevaux, tandis que mes gros orteils se transformaient en éléphants à panaches et colliers de cuir serti d’or : on partit à grande allure, dans un galop fou, et mes deux éléphants étaient plus puissants et plus agiles que mes chevaux | mais, ceux-ci avaient au front de grandes aigrettes d’or vert, d’un vert absinthe ou vert-syphilis, qui s’accordait fort bien avec le vert de leur crinière, le vert de leur encolure, le [_JauNE_] éclatant de leurs poumons, et le bleu sombre de leur langue pourrie de cadavres | ils couraient ! et si vite que sur les rocs affreux du désert j’eus peur soudain de m’écorcher jusqu’aux os : mes deux fesses se firent deux baleines / oh ... les gracieuses créatures ... | leur ventre rond était plus doux, plus satiné, plus tendre qu’un ventre de femme | et leurs yeux  ... ah ! ces yeux brillants / ce je-ne-sais-quoi

je voulus en embrasser une, la plus jolie des deux : je le pouvais très bien, quoiqu’elle fût dans mon dos : [_IL ME SUFFISAIT_] de me baisser | je pouvais parfaitement embrasser mon omoplate si je le voulais ! | je le fis : j’y trouvai un goût de miel d’acacia et un goût de pierre

un goût de pierre ? ...

merde ! voilà que toute mon épaule gauche s’était muée en un grand édifice, et qui est l’immeuble où j’habite | j’allai voir à ma fenêtre / et je me vis derrière cette fenêtre, regarder, depuis l’extérieur, à l’intérieur de la même fenêtre | je compris que mon rêve me jouait un tour et m‘envoyait un paradoxe : il ricanait, au loin, ayant encore pris de l’avance ... | j’écroulai l’immeuble d’un geste | mon épaule était un tas de ruines à l’envers et [_PARALLèLE_] au sol, où poussait déjà du chiendent | mes cheveux se firent des fouets mais je n’étrillai pas les éléphants, qui par leur luxe et leur gracilité méritaient d’être ménagés | ils couraient !

je regardai dans le lointain intérieur : chose aisée, puisque j’avais depuis longtemps arraché mes paupières encombrantes, lourdes comme des globes de marbre, et inutiles puisque de toute façon j’avais les yeux grands fermés

je regardai dans le lointain intérieur : mon rêve fuyait toujours, mais la distance se réduisait / heure après heure / millimètre après millimètre, dans un galop effréné !

je regardai dans le lointain intérieur : je vis, de moi à mon rêve, une immense bande irrégulière et très noire, oblique / mais droite / mais, oblique | elle épousait ma trajectoire de moi à mon rêve / ou plutôt, elle formait une droite dont moi et mon rêve étions alternement tangents / ou même mieux, nous formions tous des droites non [_PARALLèLES_] mais infiniment certaines de ne pas se croiser, fouillis d’asymptotes !

derrière mon rêve s’effilochaient des traînées bizarres : il s’agissait d’une multitude de [_BULLES_] iridescentes | je pus en attraper une, et je vis que c’étaient des [_BULLES_] d’horizons, des [_BULLES_] , avec à l’intérieur des horizons entiers : celle que j’avais entre mon index et mon majeur se mit à croître, à s’étirer, à se gonfler | j’y vis des mondes, des mondes | j’y passai des heures, des années | et puis / elle éclata, en un millier de cristaux qui miroitaient à l’infini des choses singulières / qui éclatèrent eux aussi, en un million d’essaims de mouches dont je voyais les yeux animés tous de sentiments et de desseins divers / et qui éclatèrent eux aussi, en un milliard de grouillements de microbes voraces et qui malgré leur inassouvissable faim avaient tous des pensées différentes ! | je regardai d’autres [_BULLES_] : toutes se gonflaient, et puis éclataient, mais diversement : ici, au lieu de cristaux il y avait des poings coupés, fermés, et manifestement cruels | là, des peignes | là-bas, tous les visages | et puis, des fournaises, des pis de vaches, des feuilles d’arbres, des montagnes lunaires, et des langues bleues de cheval pourri

quoi ! mes huit chevaux pourris avaient craché leur langue bleue, leur crinière verte était tombée, et je voyais distinctement leurs poumons [_JauNES_] se dissoudre d’effroi | mon rêve m’avait envoyé, avec un infaillible à-propos, la vieille obsession : mes tibias s’étaient mués en chiens atrocement farouches, et d’autant plus farouches que leur queue, qui étaient mes péronés tout plaqués contre leur dos, n’avaient nulle autre apparence que celle de serpents infects qui leur mâchaient le crâne | empaquetés dans la chair et sous la peau de mes jambes, ces molosses se débattaient affreusement / suffoquant / au supplice | et ils s’étaient imaginés de sortir de cette situation pénible en s’ouvrant une issue dans mes talons qu’ils rongeaient / et qui étaient chacun les quatre croupes de mes quatre chevaux !

je rentrai tout entier dans mes deux [_RoTULES_] | mes quadriceps me furent huit javelots d’inégale longueur dont je tuai mes huit chevaux, abrégeant leur martyre de charognes | puis je pris ma bite et mes couilles, que je fis tournoyer au-dessus de ma tête, jusqu’à ce qu’ils devinssent une masse d’arme germaine du treizième siècle : ma bite était un manche solide et lourd de bois cerclé de [_FER_] / mes deux couilles étaient quatre boules de [_FER_] hérissées de pointes de [_FER_] et accrochées à des chaines d’acier | je fis tournoyer cette arme redoutable et déjà sanglante au-dessus de ma tête | le serpent de gauche mourut sur le coup, de l’effroi que je lui causai | l’autre était une vieille guivre aux lèvres encore désirables : elle voulut me tenter, mais je la déchirai, avec beaucoup de joie et beaucoup de cruauté | j’emportai sa bouche que je cachai dans mon cæcum, parmi d’autres trésors | mais, les molosses enragés poursuivaient leur ouvrage dévorateur : seulement, je vis de la terreur dans leurs yeux aveugles de taupes | alors ... alors pris de pitié / brisant moi-même quelques tarses / et mes calcanéums / et dénouant les cordes de mes tendons d’achille je leur ouvris un passage où s’enfuir : lorsqu’ils tombèrent sur le sable brûlant et les rocs déchiquetés pour courir vers le [_NoRD_] , je vis de la gratitude dans le mouvement de balancier de leur queue encore imbibée de mon sang ...

... et je poursuivais toujours mon rêve !





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